Hannah O’Neill, Guillaume Diop et Marc Moreau, les premières étoiles de José Martinez.

Nouvelles étoiles palais Garnier

Avec trois nominations d’étoiles en deux semaines, après quelques mois seulement comme directeur de la danse de l’Opéra de Paris, José Martinez frappe fort – et envoie quelques messages quant au style de son mandat.

Jeudi 2 mars, Hannah O’Neill et Marc Moreau nommés étoiles

Tout a commencé le jeudi 2 mars. Bien sûr, on s’attendait à ce que des nominations arrivent rapidement, surtout du côté des hommes, affichant un déficit en nombre d’étoiles par rapport aux femmes. José Martinez lui-même, dans une interview, avait qualifié de « moins urgente » la nomination d’étoiles féminines, sous-entendant par là-même qu’il y avait urgence chez les hommes. Bien sûr, les observateurs attentifs avaient bien remarqué que certains danseurs étaient récemment très bien distribués : Héloïse Bourdon et Jérémy-Loup Quer, certes, mais surtout Marc Moreau et Guillaume Diop, tous les deux sur une trajectoire de progression éclair et visiblement très appréciés de la nouvelle direction. Certains avaient même voulu y croire pendant la série du lac ces cygnes, même si objectivement cela semblait un peu tôt. Bref, on s’attendait à des nominations.

Pourtant, José Martinez a su créer la surprise. On s’attendait à le voir nommer un homme à la fin d’un grand ballet narratif (l’Histoire de Manon, programmé en juin-juillet, aurait fait l’affaire) ? Le voilà qui débarque sur scène en plein milieu du programme Balanchine, juste avant l’entracte (à ma connaissance, c’est inédit), et commence par nommer étoile…une femme, Hannah O’Neill. Réparant en un instant des années d’injustice concernant cette superbe danseuse, qui assurait déjà depuis longtemps des rôles d’étoile, sans en avoir le titre. Liesse dans le public, semblant pourtant plutôt novice, rien n’ayant fuité des évènements à venir.

A peine les danseurs et spectateurs remis de leurs émotions, voilà qu’Alexander Neef reprend la parole, et Marc Moreau, très ému (on le comprend), vient rejoindre la galaxie des étoiles – les doubles nominations au cours d’une même soirée ne sont pas totalement exceptionnelles mais elles restent rares.

Revenons déjà sur le parcours de ces deux premières étoiles.

Hannah O’Neill, 30 ans, entrée dans le ballet de l’Opéra de Paris par le concours d’admission externe après des études en Australie a pu, au gré des différents directeurs de la danse qui se sont succédé, faire ses preuves dans un certain nombre de grands rôles, démontrant sa grande solidité dans de purs classiques comme le Lac des cygnes ou Paquita. Plus récemment, elle a fait preuve d’un vrai talent de tragédienne dans le Rouge et le Noir, où elle était largement étoilable, puis, semble-t-il, dans Mayerling (où l’auteur de ces lignes n’a pas eu la chance de la voir danser). Cela faisait donc de longues années que le public attendait sa consécration. La voilà enfin couronnée du titre qu’elle méritait. On notera que le choix de ce programme Balanchine fait sens la concernant car, si le style du chorégraphe n’est habituellement pas celui qui convient le mieux aux danseurs parisiens, elle en est une des plus brillantes interprètes au sein de la compagnie (sa Titania dans le Songe d’une nuit d’été était mémorable).

Marc Moreau a eu un début de carrière plus discret : passé par l’école de danse de Nanterre, il a peu à peu gravi les échelons dans la compagnie, avec une belle première partie de carrière comme sujet, bien distribué par Benjamin Millepied, mais plus souvent présent dans le registre contemporain, avant d’être finalement promu premier danseur en 2019. Depuis lors, le covid lui avait donné peu d’opportunités d’être mis en avant. C’est à partir de la fin de 2021 que l’on commence à le remarquer dans des rôles de soliste : énergique Monsieur de Rênal dans le Rouge et le Noir, flamboyante Idole Dorée dans la Bayadère, remarquable Obéron dans le Songe d’une nuit d’été – il est également le partenaire de l’étoile Sae-Eun Park dans Rhapsody. Au fur et à mesure de ces prises de rôle, il montre de plus en plus d’aisance et de maturité, progressant de façon spectaculaire cette année dans ses interprétations. En décembre dernier, il a finalement eu l’occasion de danser l’emblématique prince Siegfried dans le Lac des cygnes, une prise de rôle très réussie qui laissait présager du meilleur pour la suite. Aussi impeccable qu’explosif dans le ballet Etudes lors de la soirée d’hommage à Patrick Dupond dansée fin février, on avait alors pu murmurer qu’il y avait peut-être gagné sa nomination. C’est donc chose faite, et il prouve à 36 ans que la persévérance, parfois, peut payer.

Guillaume Diop dans Giselle (Photo Agathe Poupeney – ONP)

Samedi 11 mars, Guillaume Diop nommé étoile à son tour

José Martinez aurait pu s’en tenir là, du moins pour le moment. Mais décidément, il aime nous surprendre. Pendant qu’à Paris nous continuions à nous dandiner sur la musique de Gershwin, une partie de la compagnie s’était envolée vers la Corée pour y danser Giselle. Guillaume Diop ne devait initialement pas être du voyage mais à la faveur d’un remplacement Dorothée Gilbert, son mentor depuis quelques temps, le réclame à nouveau comme partenaire, et le voilà titularisé dans le mythique rôle d’Albrecht. Un défi de taille, relevé avec brio si l’on en croit José Martinez, interviewé par Ariane Bavelier peu après. C’est le rôle qui a tout fait basculer. Mutin, José Martinez fait mine de quitter la Corée avant la dernière représentation, allant même jusqu’à publier sur les réseaux sociaux une photo soit disant prise depuis l’avion du retour. En fait il est toujours là et, surprise, débarque sur scène à la fin du spectacle pour faire de Guillaume Diop, alors encore Sujet, une étoile, sans même passer par la case premier danseur. Une nomination hors normes, à l’image de son parcours – et de son talent.

Entré dans le corps de ballet de l’Opéra de Paris en 2018 après être passé par l’école de danse de Nanterre, il n’est que quadrille lorsqu’il lui est donné l’occasion de danser son premier grand rôle de soliste, celui de Roméo, remplaçant un danseur blessé au bras de Léonore Baulac, sa Juliette d’un soir. Une prise de rôle rare pour un membre du corps de ballet, et très remarquée. Car sur scène Guillaume Diop, doté d’une aura magnétique et d’une grâce innée, attire tous les regards. L’essai est transformé, et de nouveaux premiers rôles lui sont accordés à la faveur des remplacements : Basilio dans Don Quichotte, toujours auprès de Léonore Baulac, puis le guerrier Solor dans la Bayadère aux côtés de Dorothée Gilbert, danseuse étoile star de la compagnie qui confiera adorer danser avec ce partenaire attentif. En le voyant sur scène, nul ne doute alors que Guillaume Diop sera un jour étoile.

Pendant ce temps, et tout en assurant en parallèle les rôles du corps de ballet, il commence à gravir les échelons par le biais du concours interne, promu ainsi coryphée début 2022 puis sujet à la fin de la même année et continue ses prises de rôle dans les plus grands ballets, dansant rien de moins que le prince Siegfried dans le Lac des cygnes fin 2022. Il faut certes normalement être déjà promu premier danseur avant d’être étoilable. Mais un tel talent n’attend pas. Pas plus que n’avaient attendu Laurent Hilaire, Manuel Legris ou Mathieu Ganio, ses trois illustres prédécesseurs, eux aussi propulsés étoiles sans passer par la case premier danseur et dans les pas de qui Guillaume Diop marche fièrement.

Des nominations qui posent les bases du mandat de José Martinez

Trois nominations qui, en plus d’être d’excellentes nouvelles pour les intéressés comme pour le public (oui nous sommes de grands sentimentaux), posent les bases du mandat de José Martinez.

En consacrant en l’espace de deux semaines des profils aussi différents, il donne déjà une leçon de management, faisant passer le message qu’il poussera les jeunes sans pour autant oublier les danseurs expérimentés, bref que chacun a sa place, et sa chance, au sein de la compagnie.

Ensuite, en nommant étoile Guillaume Diop sans plus attendre, il régularise une situation de fait qui, d’après l’intéressé lui-même (interrogé en décembre par Rosita Boisseau), créait parfois des tensions en interne. Désormais c’est donc bien une étoile qui dansera ces rôles d’étoile – et avec quel panache !

Enfin, en choisissant des dates et des rôles sans symbolique particulière, des soirées « banales », pour ces nominations, sans laisser auparavant fuiter de discrets signaux permettant aux balletomanes et à la presse de se ruer dans la salle, sans non plus convoquer les caméras, José Martinez refait de la nomination au rang d’étoile un moment de consécration qui regarde avant tout le danseur concerné, et non pas un acte à portée médiatique.

Des décisions de manager, qui montrent son expérience et le style qu’il entend donner à son mandat. En attendant, il nous reste à féliciter ces trois superbes danseurs – nos trois nouvelles étoiles qui brillent désormais au firmament de l’Opéra de Paris dont ils sauront porter fièrement les couleurs.

Le guide du balletomane voyageur à Londres (et ailleurs) : une ébauche

Royal Opera House

En ce début d’année, les trois classiques que sont Casse-Noisette, le lac des Cygnes et La Belle au bois Dormant, dansés par le Royal Ballet et l’English National Ballet entre décembre et février, ont provoqué chez les balletomanes français une vague de voyages à Londres, dont beaucoup sont revenus des étoiles plein les yeux. Face à cet engouement, voici une modeste tentative de guide du balletomane à Londres pour ceux qui seraient tentés par l’expérience…

Pourquoi Londres ?

Mais déjà, pourquoi aller à Londres ? Non, pas pour se passer de l’Opéra de Paris, petits malins (on critique, on critique, mais on a quand même bien de la chance d’avoir sous la main une compagnie de très bon niveau et avec un répertoire riche, même si pas toujours suffisamment classique à notre goût). Mais les différentes compagnies se complètent, et les deux très belles maisons que compte Londres sont à même d’offrir, tout d’abord, des versions on ne peut plus classiques, tout public et sans arrière-pensées, des ballets les plus connus, qui sont moins la tendance en France (les versions de Noureev des ballets les plus célèbres restant en comparaison relativement sobres, voire sombres dans leur seconde lecture). En effet à Londres ces vieux ballets ne sont pas vus comme quelque chose de poussiéreux, mais appréciés et parfaitement assumés comme de grands et beaux spectacles familiaux : place aux somptueux décors, tutus et paillettes qui ramènent illico tout le monde en enfance ! Le moins qu’on puisse dire, c’est que la dernière série de la Belle au bois dormant par le Royal Ballet, qui répondait parfaitement à cette description, a suscité l’engouement du public français (mais oui on a tous bavé devant le tutu rose de Nela !).

Pourtant ces classiques sont très loin de constituer le gros de la saison, et l’autre, peut-être même l’intérêt majeur, de la programmation londonienne, réside dans les créations sur pointes. Londres possède ainsi tout un répertoire de ballets classiques récents, relativement modernisés dans le style, qui sont plus rares chez nous (pour le moment du moins, José Martinez ayant exprimé le souhait de développer ce registre à Paris). En plus du répertoire de MacMillan, dansé également chez nous mais dont le style fait partie de l’ADN du Royal Ballet, le répertoire de la compagnie compte ainsi des œuvres de Christopher Wheeldon (on peut citer The Winter’s tale, librement adapté de Shakespeare), de Liam Scarlett, un jeune chorégraphe au destin tragique mais qui a par exemple chorégraphié un Frankenstein tout à fait original, ou encore Cathy Marston, surdouée de la chorégraphie qui a notamment créé le très intéressant The Cellist, relatant la vie de la violoncelliste Jacqueline Du Pré, pour le Royal Ballet.

Les créations contemporaines ne sont pas en reste, mais ne sont pas une spécificité londonienne cette fois, le style reste relativement proche de ce que nous avons l’habitude de voir à Paris. Cela vaut quand même le coup de jeter un coup d’œil à ce qui est programmé (au hasard, cette saison il y a eu une nouvelle création de Crystal Pite au Royal Opera House…).

Ensuite, une autre raison de s’aventurer outre-Manche est de découvrir une mentalité un peu plus « customer-oriented » dans l’état d’esprit : par rapport à la France on sent une attention plus particulière portée au spectateur, avec des distributions connues plus longtemps à l’avance pour pouvoir choisir sa distribution (mais ça change à Paris, merci José !), des questionnaires de satisfaction après le spectacle, des changements de distribution notifiés même pour les « petits » rôles, et même des fontaines à eau accessibles gratuitement aux entractes, oui ça fait la différence !

Enfin, il y a chez les danseurs à Londres une énergie et une joie de danser communicatifs qui garantissent d’avoir la pêche après chaque représentation. Et comme c’est vraiment la porte à côté et qu’il est enrichissant de voir un autre style… à vos billets !

Où voir de la danse à Londres : quatre salles, deux grandes compagnies, une myriade de danseurs que l’on voudrait tous voir

Les chanceux londoniens disposent non pas d’une mais de deux compagnies de base classique et de haut niveau dans la capitale.

Tout d’abord, le Royal Ballet, joyau anglais, qui se démarque par une concentration étonnamment élevée de solistes d’un niveau stratosphérique (et un très bon orchestre, ce qui ne gâche rien). Le Royal Ballet se produit sur la scène du Royal Opera House (ROH pour les intimes) à Covent Garden. Un bâtiment de reconstruction relativement récente mais intelligemment conçu, avec une belle verrière, et une salle dont le rideau de velours rouge, surmonté de la devise de la monarchie britannique « Dieu et mon droit », est devenu iconique.

Parmi les stars du ROH, il y a bien sûr le célèbre couple formé à la scène par Marianela Nunez, considérée comme une des plus grandes danseuses de sa génération, au superbe travail de bras et aux placements plus que parfaits, et Vadim Muntagirov, jeune prodige initialement révélé par l’English National Ballet, qui ne déçoit jamais. Il y a aussi Natalia Osipova, danseuse d’origine russe passée par le Bolshoï et l’American Ballet Theatre et connue pour l’explosivité de sa danse, qui réussit la synthèse de différentes écoles depuis qu’elle est installée à Londres et fait preuve de qualités de tragédienne hors du commun. Comment ne pas citer également le charisme de Marcelino Sambé, la délicatesse de Fumi Kaneko, le ballon de Reece Clarke… impossible de parler de chacun, mais Matthew Ball, Francesca Hayward, Cesar Corrales ou Mayara Magri valent également chacun l’aller-retour !

L’English National Ballet ensuite, honorable deuxième qui a vu naître des stars mais n’a pas toujours su les garder, se produit dans plusieurs salles. Pour les grands classiques, direction le London Coliseum, agréable théâtre du début XXe non loin de Covent Garden. Certains ballets sont parfois donnés au Royal Albert Hall et conçus pour être vu « en rond » avec les spectateurs placés tout autour (comme dans la IXe symphonie de Béjart) : c’est le cas de Cinderella-in-the-round cette saison, et du fameux Swan-lake-in-the-round qui sera repris la saison prochaine – tous deux sont signés Derek Deane.

Enfin, les programmes contemporains sont plutôt dansés à Saddler’s Well, une salle un peu moins bien située mais qui mérite votre attention, balletomane assidu. En effet, c’est à Saddler’s Well que se produisent également un bon nombre de compagnies invitées (cette saison le Scottish Ballet et le Northern Ballet par exemple, ou encore le show de la danseuse américaine Tyler Peck et l’excellente comédie musicale 42nd street qui continue sa tournée après son récent passage au Châtelet).

Si la compagnie est parfois dans l’ombre de l’imposant Royal Ballet, c’est à l’English National Ballet qu’ont eu lieu la création de la Giselle d’Akram Khan (que l’on a pu admirer à Paris en début de saison) ou encore de la formidable Raymonda de Tamara Rojo qui en a transféré l’histoire pendant la guerre de Crimée pour en moderniser la narration. Une programmation qui ne manque donc pas d’intérêt, un corps de ballet d’un bon niveau et quelques solistes à suivre (la jeune Natasha Mair par exemple, nommé soliste par Manuel Legris à Vienne avant de rejoindre l’ENB).

Quelques aspects logistiques

Revenons à des préoccupations bassement matérielles avec quelques conseils d’ordre logistique.

Les tarifs, déjà. Si les meilleures places au Royal Opera House sont dans une gamme de prix similaires à l’Opéra de Paris, les places les moins chères sont nettement moins nombreuses, il faudra donc peut-être débourser un peu plus (l’équivalent d’une centaine d’euros pour un premier rang d’amphithéatre). Les places sont en général un peu moins chères pour les représentations de l’English National Ballet.

En ce qui concerne l’eurostar, pas de secret, il faut réserver ses billets le plus à l’avance possible pour ne pas y laisser son PEL (ça tombe bien il faut aussi réserver ses places de spectacle à l’avance, surtout pour les distributions les plus demandées), et éviter autant que possible les vendredi et dimanche soir, je ne vous apprends rien.

Les hôtels londoniens ne sont pas connus non plus pour leurs prix attractifs ; il y a un paquet de petits hôtels abordables, de qualité variable, autour de la gare de Saint Pancras, un bon point d’ancrage d’où partent de nombreuses lignes de métro, à commencer par la Picadilly line qui dessert aussi bien Covent Garden que le London Coliseum (station Leicester Square), mais aussi la Northern Line qu’il faudra emprunter pour Saddler’s Well (station Angel). Pour le Royal Albert Hall, ce sera la station South Kensington desservie par la Picadilly ou la Circle Line, puis un peu de marche (et un détour par le Victoria and Albert Museum juste à côté pour les amateurs).

Si vous venez uniquement pour la danse, le décalage horaire étant dans le bon sens il est tout à fait possible de faire l’aller-retour dans la journée et d’assister à une des représentations de l’après-midi.

Par contre pensez à réserver également les restaurants et brunch dominical si vous y êtes le weekend, les meilleures adresses affichent souvent complet plusieurs jours à l’avance !

Ah, et non il n’y a aucune démarche particulière à faire suite au Brexit, pas besoin de visa, mais n’oubliez pas votre passeport…

Et sinon, d’autres destinations un peu moins pluvieuses ?

Ras-le bol du rosbeef ?  Envie de soleil plutôt que de brouillard ? Pas de problème, les villes européennes facilement accessibles depuis Paris et hébergeant de belles compagnies de danse ne manquent pas ! Je ne les connais pas toutes assez pour en parler (d’autres balletomanes voyageurs complèteront avec leurs propres expériences), mais voici une première sélection :

  • La Scala de Milan

Une superbe compagnie, de très bon niveau, à deux pas (sept heures de train, mais rendu plus abordable par la concurrence entre SNCF et Frecciarossa et avec une belle vue au passage sur le lac d’Aix les bains, ou un saut en avion), et avec à sa tête notre Manuel Legris national, dont le Corsaire et la Sylvia valent le détour. La programmation est très équilibrée avec des versions de différents chorégraphes pour les grands classiques (Noureev, MacMillan et Legris lui-même cette saison), et certains solistes sortent vraiment du lot (ai-je déjà parlé de Nicoletta Manni et Timofej Andrijashenko ? De Mattia Semperboni ?). Et au moins à Milan vous serez sûrs de bien manger.

  • Le ballet de l’Opéra de Vienne

Ancienne maison de Manuel Legris, qui y avait fait un excellent travail, le ballet de l’Opéra de Vienne propose également une programmation intéressante (avec notamment les chorégraphies de Martin Schläpfer, son directeur actuel, passerelles entre classique et contemporain). A noter que la compagnie se produit non seulement au Wiener Staatsoper, central, réputé et…cher, mais également au Volksoper, un peu à l’écart et dont la salle est moins fastueuse, mais les tarifs nettement plus abordables ! La programmation des deux théâtres n’est pas la même, il faut donc se rendre sur le site de chacun indépendamment (un exemple ici de deux programmes qui avaient été dansés simultanément : https://carnetsdanses.com/2022/03/06/double-neo-classique-pour-le-staatsballet-de-vienne/).

  • Le ballet de Stuttgart

Destination moins ensoleillée que Milan, moins prestigieuse que Vienne, Stuttgart héberge une compagnie digne d’intérêt, qui danse magnifiquement les ballets de John Cranko, au cœur de son répertoire depuis que celui-ci en a été le directeur (inoubliable Onéguine), ainsi que des chorégraphes plus contemporains. Et qui héberge le non moins inoubliable Friedemann Vogel… S’il n’y a qu’un endroit où voir Onegin ou La Dame aux camélias, c’est là !

  • Le ballet de Berlin

Une bonne adresse notamment pour les classiques, avec Iana Salenko et Daniil Simkin comme danseurs stars.

  • Le ballet de Hambourg

Encore une destination nordique (mais dans une ville sympathique), où l’on se rend cette fois-ci pour le répertoire de Neumeier dansé à domicile. Mais pas que : la compagnie dansera par exemple en décembre prochain le Jane Eyre de Cathy Marston, créé pour le Northern Ballet en 2016. Une étape surtout recommandée pour ceux qui cherchent les œuvres de quelques chorégraphes en particulier.

Il faudra également lorgner du côté du Dutch National Ballet, du Ballet Royal de Suède qui a à sa tête Nicolas Le Riche, ou encore du Ballet de Bavière à Munich où Laurent Hilaire a élu domicile et qui est donc à suivre de très près, mais d’autres balletomanes en parleront mieux que moi. Avec toutes ces options, le prochain que j’entends se plaindre de la programmation parisienne…

Que pourrait changer, pour le public, la nomination de José Martinez à la tête du ballet de l’Opéra de Paris ?

José Martinez nomination

Alors que José Martinez, qui prendra ses fonctions début décembre, vient d’être nommé en remplacement d’Aurélie Dupont à la direction de la danse de l’Opéra de Paris, les articles fleurissent exposant les défis qui l’attendent. En effet le poste est connu pour être délicat : des problèmes de gestion ont émaillé les derniers mandats, et nul doute que les huit ans d’expérience du nouveau directeur de la danse à Madrid, alliés à sa connaissance de la maison, lui seront utiles pour redresser la barre – une expérience et un recul qu’Aurélie Dupont n’avait pas à sa prise de poste, et une connaissance qui manquait à Benjamin Millepied. Mais il n’y a pas qu’en interne que les attentes sont élevées.

Chez le fidèle mais exigeant public parisien, les critiques étaient nombreuses à être formulées pendant les précédents mandats : pas assez de classique, pas les bons ballets programmés, niveau disparate, distributions voire nominations qui ne plaisaient pas toujours, difficultés à suivre ses artistes favoris… Alors, que peut espérer le public de ce changement de direction ?

L’équilibre de la programmation entre danse classique et contemporaine

Vu du public, la première demande forte concerne l’équilibre entre danse classique et danse contemporaine. Dès le mandat de Brigitte Lefèvre, certains spectateurs trouvaient qu’il n’y avait pas suffisamment de ballets classiques programmés chaque année. Le bref passage de Benjamin Millepied n’a certainement pas arrangé les choses, danse classique semblant rimer pour lui quasi uniquement avec lac des cygnes. A son arrivée, Aurélie Dupont promettait « le grand retour du classique » : il se fait pourtant toujours attendre, alors même que les grands ballets narratifs semblent être les seuls à remplir les salles en ce moment. Derrière cette attente du public se cache la question de la mission de l’Opéra de Paris : assurer la pérennité d’une programmation classique que les compagnies ne sont pas nombreuses à pouvoir danser en France, ou stimuler la création contemporaine, alors même qu’en la matière l’offre à Paris est déjà bien étoffée ? La question est évidemment orientée, mais chacun se fera son opinion.

La programmation de plus de ballets classiques est donc une attente forte des spectateurs, aussi bien occasionnels que réguliers.

Une autre question est celle de la création classique. En effet, à l’Opéra de Paris les ballets classiques dansés le sont surtout dans les chorégraphies de Noureev, avec quelques œuvres de Pierre Lacotte, Balanchine, Ashton ou encore MacMillan (omniprésent cette saison). Si des créations contemporaines sont régulièrement accueillies au palais Garnier, en matière classique pas grand-chose de nouveau sous le soleil. Il y a bien eu la création du Rouge et le Noir de Pierre Lacotte en 2022, qui malgré un accueil mitigé a fait souffler un vent de renouveau tout à fait bienvenu sur la scène classique parisienne. Mais comparée aux autres grandes compagnies nationales, comme le Royal Ballet et l’English National Ballet pourtant si proches de nous, qui ajoutent régulièrement à leur répertoire de nouveaux ballets narratifs classiques ou néo-classiques signés Liam Scarlett, Christopher Wheeldon, Cathy Marston ou encore Tamara Rojo, notre institution française fait pâle figure. Et avouons-le, malgré un réel attachement aux versions de Noureev, parfois on aimerait bien voir autre chose.

José Martinez semble conscient de cette problématique, puisqu’il a dès l’annonce de sa nomination évoqué la nécessité de remettre le classique au cœur du répertoire et d’y faire entrer de nouvelles créations ou relectures afin, dit-il, de « faire entrer le classique dans le XXIe siècle ». Est-ce crédible ? Oui, car l’ancien directeur artistique du Ballet National d’Espagne a précisément su redonner à cette compagnie sa vocation classique alors qu’elle s’en était très largement éloignée, et en tant que chorégraphe il a démontré un attachement profond au langage classique qui permet de donner du crédit à ces déclarations. En revanche, il faudra attendre un peu avant d’en voir les fruits : la prochaine saison sera celle préparée par Aurélie Dupont, et celle de 2024-2025 ne sera qu’à moitié choisie par José Martinez, une partie de la programmation étant déjà prévue. Un peu de patience, donc.

Le niveau général du ballet de l’Opéra de Paris

Après des années à son apogée suite à l’ère Noureev, et particulièrement lorsque Patrice Bart puis Laurent Hilaire étaient maitres de ballet, le niveau général de la compagnie avait par la suite accusé le coup, avec des solistes un peu moins charismatiques et un corps de ballet qui n’était plus aussi solide. Sujet tabou s’il en est – le ballet de l’Opéra de Paris n’a pour autant pas cessé d’être une bonne compagnie, mais qui n’était plus au niveau de ses proches voisins. La barre a déjà été en bonne partie redressée (notamment d’ailleurs pendant le mandat d’Aurélie Dupont), et la compagnie n’a globalement pas à rougir de son niveau. Pourtant, quelques défis restent à relever pour continuer à rivaliser avec les autres compagnies dans le répertoire classique.

Ce ne sont pas les qualités des danseurs qui sont en jeu : le potentiel est bien là, et parfois il s’exprime superbement. Mais la principale critique exprimée est que le ballet reste trop irrégulier dans ses performances – ce que ne manquent pas de souligner avec dépit les spectateurs étant par malchance tombés sur un jour « sans », et qui se souviendront qu’ils ont payé le même prix qu’au Royal Ballet ou à la Scala de Milan pour un spectacle moins parfait. D’une soirée à l’autre, il est bien sûr inévitable que le résultat varie, c’est même ce qui fait tout l’intérêt du spectacle vivant. Mais si les actes blancs des grands ballets classiques sont en général travaillés au cordeau et ne déçoivent pas, les passages moins emblématiques ne font pas toujours l’objet du même soin. On a ainsi vu quelques problèmes de synchronisation trop répétés dans les ensembles aux premier et deuxième acte de la Bayadère, par exemple. La faute peut-être au manque de pratique classique sur scène au long de l’année ? Ou à des durées de répétitions trop contraintes obligeant à mettre l’accent sur certains passages au détriment des autres ?

Par ailleurs, le concours de promotion l’a bien mis en avant, et avant cela le pas de deux des vendangeurs dans Giselle en juin dernier, il semble actuellement y avoir comme un creux générationnel chez les solistes hommes, entre une génération d’étoiles déjà bien installées, et de plus jeunes danseurs certes prometteurs mais pour la majorité pas encore assez mûrs pour briller dans les premiers rôles. Il y a donc là un vide à combler afin d’assurer la pérennité du niveau pour les rôles de solistes et de demi solistes. Rien d’inéluctable cependant : de jeunes talents se font déjà remarquer et ne demandent qu’à affirmer leurs qualités.

Que peut y faire le nouveau directeur de la danse ? A Madrid, il a su reprendre en main une compagnie qui ne dansait presque plus de classique, et la ramener à un niveau tout à fait honorable. Cela passe bien sûr par le choix des maitres de ballets et répétiteurs, mais aussi par la programmation, qui doit permettre aux danseurs de prendre régulièrement de l’expérience sur scène dans le registre classique, tout en permettant un planning de répétitions réaliste, indispensable également pour éviter les blessures. Peut-être José Martinez choisira-t-il en complément de faire appel ponctuellement à des solistes de l’extérieur le temps que la jeune génération s’affirme : la pratique n’est pas courante à l’Opéra de Paris et serait peut-être mal reçue, mais cela semble être une option à considérer pour ne pas surcharger les solistes actuels le temps que la jeune génération les rattrape.

Il y a donc de quoi être confiants, sans s’attendre pour autant à des changements radicaux.

La possibilité de suivre ses artistes favoris au sein du ballet

Chez les femmes, on observe le problème inverse que chez les hommes, avec un nombre important de danseuses qui pourraient prétendre à des premiers rôles et qui risquent de se retrouver frustrées de ne pas les danser. Dit autrement, il n’y a pas assez de place pour tout le monde. C’est certes rassurant en ce que la relève est assurée, mais cela pose un problème en termes de gestion de carrière, car il est dans l’intérêt de l’Opéra de Paris, et du public, de retenir ces danseuses pleines de qualités en leur offrant suffisamment de rôles intéressants à danser. Comment ne pas penser à Eléonore Guérineau ou Bianca Scudamore par exemple, qui semblent bloquées au grade de sujet, alors qu’elles ont démontré qu’elles étaient non seulement capables d’assurer de premiers rôles, mais aussi de le faire avec brio. Afin d’éviter un « phénomène Mathilde Froustey » et de garder tous les talents de la compagnie, le nouveau directeur, ne pouvant augmenter le nombre de premiers danseurs ou d’étoiles, devra faire l’impossible en termes de programmation. Là encore l’attente est forte du côté du public, car il y a parmi les sujets et les premières danseuses des artistes très appréciées et dont les spectateurs s’arrachent les billets les soirs où elles dansent (on peut penser par exemple à l’unique date d’Héloïse Bourdon en Kitri dans Don Quichotte en décembre dernier). La solution n’étant pas de remplacer les étoiles actuelles par la nouvelle génération à la manière de Benjamin Millepied, loin de là, car la plupart des étoiles sont également très appréciées du public. Un casse-tête à venir pour José Martinez, car il disposera de peu de leviers….

Le second sujet délicat sera celui des projets menés par les danseurs en dehors de l’Opéra de Paris. Il y a bien sûr François Alu, nommé étoile en avril dernier et qui n’a toujours pas redansé sur la scène de l’Opéra, absorbé par son one-man show et sa participation au jury de Danse avec les stars, au grand dam d’un public qui a réclamé sa nomination et se voit pour le moment privé de possibilités de le voir danser. Mais son cas, s’il est extrême, n’est pas isolé. De nombreux artistes du ballet multiplient ainsi les projets liés à la danse pendant leur temps libre. Est-ce un problème ? Non, et au contraire ces projets extérieurs, en général suivis par le public d’habitués, ne peuvent que nourrir leurs interprétations en tant qu’artistes. En revanche, cela pose trois questions.

La première est celle de leur disponibilité, illustrée par la difficulté de François Alu de tout concilier de front – cela semble moins difficile à gérer chez les autres danseurs, mais il faut bien sûr qu’ils gardent une disponibilité suffisante pour répondre au besoin de leur principal employeur. La seconde provient du fait que les danseurs, où qu’ils se produisent, représentent de fait l’institution à laquelle ils appartiennent. Et en cela, l’Opéra de Paris pourrait souhaiter avoir un droit de regard sur les spectacles auxquels ses danseurs participent, afin de ne pas ternir l’image de la maison si ceux-ci étaient jugés de qualité insuffisante ou d’un style inadapté. Enfin, la multiplication de ces projets personnels est-elle le signe que les danseurs ne trouvent plus leur accomplissement dans ce que la compagnie leur donne à danser ? Le sujet ne sera à l’évidence pas facile à appréhender, et José Martinez l’a déjà évoqué lors de ses premières déclarations à la presse. Laissera-t-il la latitude actuelle à ses danseurs, ou souhaitera-t-il sonner le rappel ?  Pour le public, la possibilité de voir les artistes se produire en-dehors de l’Opéra en dépendra, mais cela pourra également impacter les choix de programmation de grands ballets nécessitant de mobiliser la majorité des danseurs de la compagnie en même temps.

Dernier détail, mais qui a son importance : José Martinez a d’ores et déjà annoncé qu’il souhaiterait que les distributions soient annoncées plus longtemps à l’avance. Cela répond à une demande forte du public parisien, qui regrette actuellement de ne pouvoir choisir ses dates de spectacle en fonction des artistes, les distributions par date étant généralement annoncées bien après l’ouverture des réservations. Le même public s’était ému, notamment dans la série du Rouge et le Noir, que les changements de distribution en cours de série ne soient annoncés qu’au dernier moment, et apparemment sans volonté de conserver au maximum les distributions par date précédemment annoncées (même si le service communication a déjà fait un effort visible courant 2022 pour tenir les spectateurs informés au plus vite en cas de changement).

Une telle mesure serait donc très bien accueillie, et un vrai premier pas pour réconcilier le public avec une institution à laquelle il reste très attaché !

Giselle aurait-elle dû condamner Albrecht ? Ou comment interpréter Giselle en 2022.

Willis acte 2

Giselle, le grand ballet romantique, irremplaçable, inégalable (l’auteur de ces lignes est d’une objectivité parfaite), doit comme tous les chefs-d’œuvre ayant quelques années, et à vrai dire comme tous les ballets classiques, trouver sa place dans notre époque.

Ça tombe bien, cette année le public français a eu plusieurs occasions de se poser des questions existentielles à ce sujet, avec tout d’abord la version classique à l’Opéra de Paris en juin-juillet, puis celle de Kader Belarbi aux chorégies d’Orange, la version de Ratmansky (cherchant à revenir aux sources de la chorégraphie d’origine) donnée à Londres en septembre pour les balletomanes voyageurs, et enfin la plus moderne version d’Akram Khan, dansée par l’English National Ballet, ouvrant superbement la nouvelle saison au Théâtre des Champs-Elysées. De quoi s’adonner aux joies de la comparaison, et en tirer quelques réflexions.

Car Giselle fait aujourd’hui débat.

Sur le banc des accusés : la naïveté (voire la mièvrerie) de Giselle et du premier acte en général, l’indifférence des seigneurs au malheur d’une paysanne, le sort différent réservé à Hilarion et Albrecht, mais surtout le pardon final, si emblématique de ce ballet mais qui pour certains, en 2022, ressemblerait à un déni de justice.

Alors, Giselle aurait-elle dû faire un carnage ? Pas sûr. Pour nourrir la réflexion de chacun, voici un petit tour d’horizon des interprétations qui ont été proposées récemment, aussi bien par les danseurs que les chorégraphes.

Un carnage ? Où ça ? (photo Agathe Poupeney /ONP)

Le rôle de Giselle au premier acte

Commençons par le premier acte.

Giselle au premier acte peut être naïve et ingénue, c’est l’interprétation qui a longtemps dominé : elle se laisse alors séduire par le premier venu, en l’occurrence le perfide Albrecht. Encore aujourd’hui un certain nombre de danseuses l’interprètent avec une fraicheur très enfantine, mettant en avant sa jeunesse (c’est par exemple le cas de Svetlana Zakharova, ou de Marianela Nunez qui aime souligner ce côté innocent). Cette naïveté peut être envisagée avec une pointe d’auto-dérision : Dorothée Gilbert et Hugo Marchand avaient choisi avec succès l’humour lors de la dernière reprise, mettant en avant le décalage entre les grands élans amoureux de Giselle et la réserve d’Albrecht réalisant peu à peu qu’il a fait une grosse bêtise. Cette touche de légèreté, très bien accueillie par le public, permettait de prendre de la distance par rapport au côté à première vue simplet de l’histoire, et d’embarquer l’auditoire malgré tout.

Mais la relation entre Giselle et Albrecht au premier acte peut aussi être largement modernisée, et ce même sans changer la chorégraphie : selon le choix d’interprétation des danseurs, les deux amoureux peuvent sembler se connaitre déjà depuis un moment ; les premières scènes ne relatent alors plus la séduction à sens unique de Giselle par Albrecht, mais un flirt tout à fait contemporain. C’est le choix qu’avaient fait Ludmila Pagliero et Karl Paquette lors de l’avant-dernière reprise, avec une belle complicité entre les deux danseurs. La Giselle de Pagliero montrait une grande maturité, aux antipodes de l’interprétation retenue par Leonore Baulac par exemple, qui s’inscrivait plus dans la tradition de la jeunette innocente. Alice Renavand a choisi encore une autre voie cette année, avec une Giselle très sage mais peut-être plus raisonnable que vraiment naïve ; une sorte d’entre-deux assez moderne.

On peut noter aussi la vision imposée par la pantomime plus directe, plus compréhensible aussi, de la version de Ratmansky, où les deux tourtereaux semblent entretenir une relation de longue date et non pas se rencontrer pour la première fois lorsque Giselle sort de chez elle, et où elle n’est plus la jeune innocente qui se laisse embobiner par le premier venu.

D’une manière générale dans le premier acte tous les personnages sont largement modernisés par Ratmansky dans leur jeu théâtral, ce qui contribue à rendre l’intrigue plus actuelle, moins surannée.

Bien sûr, ça ne change rien au fait qu’Albrecht dissimule son véritable statut (on y reviendra, il ne perd rien pour attendre), mais ça rend le premier acte plus facilement compréhensible en 2022.

Giselle aime les jolies robes : est-ce un cliché sexiste ? (photo Agathe Poupeney/ONP)

Les personnages de Bathilde et d’Hilarion

Ces différentes interprétations possibles au premier acte se retrouvent aussi dans le personnage d’Hilarion : souvent perçu comme simplement éperdu, et relativement innocent, il prend une tonalité bien plus sombre chez Ratmansky, qui en fait un jaloux cherchant sciemment à faire du mal et briser le couple en face lorsqu’il dénonce Albrecht. L’évolution du personnage y est pourtant progressive : on voit Hilarion comprendre petit à petit ce qui se joue devant lui, de façon plus crédible qu’avec la pantomime habituelle, avant de montrer les moins belles facettes de sa personnalité. On retrouve cette vision très sombre d’Hilarion dans la version d’Akram Khan, où il se montre très possessif envers Giselle, trop même, et semble vouloir la conquérir plus par ego que par amour. Même dans les versions les plus classiques, qui imposent moins de parti pris, certains danseurs font ce choix dans leur interprétation (à l’Opéra de Paris, Daniel Stokes, lors de la dernière série, était glaçant, et campait un Hilarion particulièrement menaçant). Ce n’est pas pour autant le cas de tous les interprètes, et certains choisissent au contraire d’adoucir le personnage du garde-chasse, qui semble alors presque être l’innocente victime des willis au second acte. Comme Roberto Bolle par exemple à la Scala de Milan, dont l’Hilarion semblait surtout très amoureux de Giselle, ou bien plus récemment Alexandre Gasse, timide et vraiment touchant lors de la dernière saison à l’Opéra de Paris.

Et Bathilde alors ? Dans beaucoup de versions, le personnage est quasi inexistant : elle se promène d’un air hautain, et tourne vite les talons une fois la supercherie révélée, semblant surtout indignée que son honneur soit ainsi bafoué. Notons toutefois un élément qui semble souvent oublié : Bathilde est tout autant trahie que Giselle. Les deux femmes sont le miroir l’une de l’autre, et certains ont tenté de remettre en valeur son personnage.

C’est le cas surtout de la chorégraphie de Ratmansky : dans sa version Bathilde montre une certaine empathie pendant la scène de la folie, et semble réellement concernée par ce qui arrive à Giselle. Elle réapparait à la fin du deuxième acte, venant chercher Albrecht, et lui pardonnant donc elle aussi ; Giselle encourage alors leur union avant de disparaitre. Une piste intéressante, qui efface la logique de compétition entre les deux femmes et en fait au contraire, dans une certaine mesure, des alliées dans leur malheur.

Ces différentes interprétations des principaux rôles peuvent surtout permettre de rendre le premier acte plus théâtral, plus ancré dans notre époque. Les mêmes nuances d’interprétation peuvent d’ailleurs se retrouver dans le corps de ballet, dont le rôle est loin d’être négligeable (sur ce plan-là la chorégraphie de Kader Belarbi est justement assez équilibrée).

Albrecht semble légèrement inquiet à la lecture du paragraphe suivant (photo Agathe Poupeney /ONP)

Le rôle d’Albrecht, vraiment indéfendable ?

Venons-en à Albrecht, justement – le principal accusé de notre procès. Initialement, le rôle était assez creux. C’est avec Noureev notamment qu’il a pris plus de profondeur en France, et qu’une interprétation plus tragique du rôle s’est dessinée. Albrecht est désormais majoritairement interprété non pas comme un vil et froid séducteur, mais comme réellement et éperdument amoureux de Giselle. Plutôt qu’un manipulateur froid et cruel, il est plutôt considéré comme un irresponsable ne mesurant pas du tout les conséquences de ses actes.

Des nuances apparaissent toutefois d’un danseur à l’autre.

Au premier acte, Albrecht peut ainsi être plus ou moins amoureux, soit se laissant emporter par son attirance pour Giselle sans songer un instant à quelque chose de plus sérieux (c’est la vision de Vadim Muntagirov par exemple), soit un peu plus sincère dans sa démarche, quoique n’ayant certainement pas envisagé de plan à long terme (Hugo Marchand, presque enfantin dans sa gestuelle). Une fois son stratagème mis à jour, il peut aussi être plus ou moins lâche (c’est quand même le principal trait commun des personnages masculins dans le ballet classique, les pauvres).

Lors de la mort de Giselle on peut encore observer des nuances : certains Albrecht se détournent, un peu honteux, au mieux désemparés. D’autres se montrent fous de douleur : Roberto Bolle par exemple excelle dans ce registre, et récemment Paul Marque a également fait sienne la scène de folie de façon très émouvante, son désespoir semblant presque équivalent à celui de sa partenaire.

Au second acte là encore, chaque danseur apporte ses propres nuances, malgré la grande tristesse qui guide bien entendu toutes les interprétations. Certains se présentent plutôt fiers et altiers devant Myrtha, semblant prêts à mourir noblement mais s’estimant visiblement innocents (c’est souvent le parti pris par les danseurs du Bolshoï, Artemy Belyakov le premier). D’autres montrent une détresse plus marquée, semblant ressentir pleinement le poids de la culpabilité. Mathieu Ganio par exemple se montre toujours très expressif et lyrique dans ce deuxième acte.

Les chorégraphes aussi pèsent dans la balance : chez Akram Khan, Albrecht, éperdu de douleur, adopte une attitude de repentir total, contribuant à donner au pardon de Giselle une dimension plus symbolique, plus universelle.

Prenons de la hauteur pour comprendre la symbolique de l’histoire (photo Agathe Poupeney /ONP)

La complexité du deuxième acte et la dimension symbolique

Mais justement, et si c’était la symbolique qui comptait plus que l’histoire prise au pied de la lettre ? C’est la piste explorée par certains interprètes, et là encore, plusieurs visions cohabitent.

Alessandra Ferri, grande interprète de Giselle s’il en est, considérait la mort du premier acte comme symbolique et y voyait un passage dans une vie de femme. Une vision finalement très introspective de l’histoire.

Totalement à l’opposé du spectre, lors de la dernière reprise à l’Opéra de Paris, un certain nombre de danseuses du corps de ballet se sont inspirées des luttes féministes actuelles pour interpréter l’ensemble des willis, en accentuant leur côté vengeur et donnant cette fois une dimension sociétale au ballet.

Entre les deux, la vision de Marianela Nunez met en avant la victoire de l’amour, inconditionnel et au-delà de tout ; Giselle est alors l’expression d’un idéal, au-delà des simples protagonistes.

L’interprétation de Giselle est bien entendu centrale dans cet acte aussi ; même si un peu moins de nuances y sont possibles dans l’expression du personnage, on observe néanmoins plusieurs variantes. Elle peut déjà être plus ou moins incarnée (Alessandra Ferri, aérienne dans sa danse mais visiblement animée d’un amour encore très humain); ou bien évanescente, presque absente, comme Alice Renavand qui est parvenue à donner l’impression d’être déjà dans un autre monde et de n’agir plus que par un automatisme obéissant à sa froide détermination. Sa défense d’Albrecht peut ainsi sembler répondre uniquement à son amour (Alessandra Ferri, passionnée), à une affection déjà moins charnelle (Alice Renavand, presque maternelle), ou bien prendre une portée universelle comme dans la version d’Akram Khan qui met en avant que Giselle, par son pardon, met fin à la spirale de la violence dans laquelle sont enfermées les willis.

Ainsi, en fonction de l’interprétation de Giselle au deuxième acte, le pardon peut être guidé soit par la force d’un amour absolu que rien ne peut atteindre, pas même la trahison, ou bien par un idéal pacifique et un refus de la violence. Dans les deux cas, la symbolique dépasse largement le cadre de l’histoire de Giselle et d’Albrecht.

Quelques éléments de réflexion plus globale pour terminer. Giselle est-elle vraiment dans un rôle de victime dans cette affaire ? Une autre compréhension est possible si l’on considère sa mort comme symbolique ici (il faut bien justifier un acte blanc) :  Giselle, en pardonnant, reprend le contrôle, et montre une grandeur d’âme qui l’élève. Et si, contrairement à ses consœurs willis qui passeront le reste de leur vie (de leur mort, d’accord) à courir après la vengeance, Giselle, en libérant Albrecht, se libérait elle-même du poids de la haine ?

Mayerling a-t-il sa place à l’Opéra de Paris ?

Rodolphe et Marie Vetsera

Lors de la présentation toujours très commentée de la prochaine saison de danse à l’Opéra de Paris, l’entrée au répertoire de Mayerling, la même année que la reprise de Manon du même chorégraphe MacMillan, a fait couler de l’encre. L’annonce des pré-distributions est l’occasion de revenir sur ce choix, après avoir vu le ballet concerné à Budapest en mars dernier.

Pour la réouverture du bel édifice de l’Opéra National de Hongrie à Budapest, deux œuvres étaient programmées : le très symbolique (et superbe) opéra hongrois Hunyadi Laszlo, illustrant un passage de l’histoire nationale, et le ballet Mayerling. Si le choix de cette œuvre du chorégraphe anglais Kenneth MacMillan, qui n’est pas spécialement dansé par la compagnie, peut sembler à première vue moins évident, il revêt en fait une certaine logique. Déjà en raison de sa musique, composée par le hongrois Franz Liszt (le ballet est dansé sur un arrangement de John Arthur Lanchbery qui fait la part belle au piano), ensuite car l’intrigue relate l’histoire tragique du prince Rudolf, héritier de la couronne…d’Autriche-Hongrie. Si les circonstances de son décès et de celui de sa maitresse Marie Vetsera en janvier 1889 dans le pavillon de chasse de Mayerling n’ont jamais été clairement élucidées, MacMillan tranche en faveur du suicide du couple. Son ballet est un drame psychologique axé sur la personnalité instable et tourmentée de Rudolf et ses relations mouvementées avec les nombreuses femmes qui l’entourent.

Mais faire entrer Mayerling au répertoire du ballet de l’Opéra de Paris à l’automne prochain a-t-il du sens ? Cela dépend du point de vue dans lequel on se place.

Image P Rakossy, Opéra National de Hongrie

MacMillan est un chorégraphe majeur du ballet narratif du XXe, qui a chorégraphié quelques chefs d’œuvre, et dont l’Histoire de Manon figure déjà au répertoire parisien. Un chorégraphe apprécié par Aurélie Dupont, directrice de la danse au moment de ce choix de programmation, et qui avait fait ses adieux à la scène avec cette même Manon. Mais Mayerling, une des œuvres les plus tardives de MacMillan, n’est pas sa plus réussie. La chorégraphie, très hachée, manque d’harmonie – il faut dire que ce style n’est pas celui qui convenait le mieux aux danseurs de l’Opéra de Budapest, mais pour les curieux, il est actuellement dansé jusqu’à mi-juillet par le ballet de Stuttgart, bien plus familier de ce répertoire dans lequel il excelle. La narration est un peu trop chargée, et en cela rappellera aux balletomanes parisiens certains passages du Rouge et le Noir, quoique dans Mayerling les trop nombreux changements de décor soient au moins le prétexte à de la danse sur l’avant-scène. L’absence de grands mouvements d’ensemble, mis à part pour les prostituées, thème récurrent chez MacMillan et toujours traité avec vulgarité, crée un certain manque d’harmonie. Pour le corps de ballet, l’intérêt est donc assez limité, avec peu de passages dansés et une présence réduite au minimum. Le ballet sera également assez difficile à vendre au grand public : si les superbes costumes historiques mettent l’eau à la bouche, la grande violence de l’histoire (avec notamment une scène de viol explicite qui ne conviendra pas à tous les publics) et l’absence de belles harmonies pourraient être de nature à limiter l’audience.

Image P Rakossy, Opéra National de Hongrie

Alors fallait-il s’en passer ? Pas nécessairement. Car dans le principal défaut de Mayerling réside aussi sa force : tout le ballet repose sur les solistes. A commencer par le premier rôle masculin, celui de Rudolf, qui y est dépeint comme un homme violent ayant un rapport obsessionnel à la gente féminine et obnubilé par la mort. Tout un programme pour le danseur chargé d’endosser ce lourd rôle qui demande, pour être intéressant, une forte sensibilité tragique, nécessaire pour dépeindre avec justesse ce caractère complexe qui évolue tout au long du ballet. A Budapest, Dmitry Timofeev s’en sortait avec une belle interprétation du personnage, quoique la technicité du rôle lui ait parfois donné un peu de fil à retordre. Un rôle qui, à Paris, verra Stéphane Bullion faire son retour sur la scène du palais Garnier, en tant qu’invité, après ses adieux début juin. Une excellente nouvelle pour le public, car s’il y a un danseur parisien que l’on imagine aisément incarner le prince Rudolf, c’est bien lui. Le personnage semble taillé sur mesure pour ce danseur habitué des rôles sombres, qui a marqué de son empreinte le rôle d’Armand dans la dame aux camélias, et qui saura donner à ce caractère torturé toute la profondeur nécessaire à en faire un grand rôle. Dans un style différent, l’interprétation de François Alu, dont ce sera la première prise de rôle depuis sa nomination d’étoile en avril, devrait être intéressante. Le danseur souvent qualifié de rebelle a une indéniable présence scénique, indispensable dans un tel rôle, et s’il sait montrer de la puissance dans ses interprétations, il a également fait preuve de plus de nuance dans la Bayadère en avril. Il est à gager que les deux danseurs proposeront des lectures très différentes du rôle, et aussi intéressantes l’une que l’autre.

Les deux principales étoiles masculines de la compagnie, Mathieu Ganio et Hugo Marchand, seront les deux autres Rudolf. Le premier, archétype du danseur classique, est l’une des plus grandes étoiles actuelles à l’Opéra de Paris dans les rôles romantiques. Il pourrait apporter au rôle de Rudolf une fragilité et une sensibilité plus rares, et nuancer la vision très noire de ce personnage. Quant à Hugo Marchand, ce devrait être l’occasion pour ce grand danseur à la technique impressionnante d’approfondir la palette des émotions qu’il propose au public, ce qu’il fera sans doute avec un total investissement. Quatre distributions masculines qui devraient donc se compléter à merveille pour offrir au public différentes lectures du rôle principal.

Image P Rakossy, Opéra National de Hongrie

L’autre intérêt de Mayerling réside dans le grand nombre de rôles féminins de premier plan, les différentes maitresses et la femme du prince Rudolf se voyant attribuer des rôles quasiment d’égale importance. Au ballet de l’Opéra de Paris, où la jeune génération commence à affirmer des personnalités émergentes vraiment prometteuses sur le plan artistique, cela aurait pu être l’occasion de mettre en avant de nombreux jeunes talents. Le choix fait avec ces pré-dsitributions est plutôt de privilégier les étoiles. Ainsi, Dorothée Gilbert, Myriam Ould-Braham, Ludmila Pagliero et Hannah O’Neill, qui toutes les quatre ont déjà montré de vrais talents de tragédiennes, se partageront le rôle de Marie Vetsera, la maitresse de Rudolf qui se suicidera avec lui. Le rôle nécessite en particulier de montrer l’évolution rapide du personnage au fil des scènes, un beau challenge que les quatre danseuses devraient relever avec brio. Faut-il voir dans la présence d’Hannah O’Neill aux côtés de trois étoiles le signe d’une potentielle nomination ? C’est tout ce qu’on lui souhaite. Elle dansera également le rôle de Marie Larish, ancienne maitresse de Rudolf jouant les entremetteuses, où l’on retrouvera également Valentine Colasante et Laura Hecquet, des danseuses peut-être un peu moins expressives pour un rôle de maturité en miroir de celui de Marie Vetsera.

Image P Rakossy, Opéra National de Hongrie

Au moins deux rôles permettront cependant de donner leur chance à des danseuses moins gradées. Celui de la princesse Stéphanie est loin d’être évident, tant il faudra de finesse dans l’interprétation pour dépeindre avec justesse cette jeune femme terrifiée par son mari violent. Une vraie gageure, où l’on retrouvera avec grand plaisir Eleonore Guérineau, dont la danse d’une grande subtilité n’est pas toujours mise en avant et qui se retrouve malheureusement écartée de Giselle pour cause de blessure. Charline Giezendanner fait également son retour sur le devant de la scène avec ce rôle, après quelques années creuses, et il sera très intéressant de voir comment elle aborde ce personnage poignant. Marine Ganio, habituellement plutôt mise en avant dans le contemporain comme récemment dans Carmen de Mats Ek, aura cette fois-ci sa chance dans un rôle classique. C’est une danseuse qui a de la personnalité à revendre, et que l’on aurait peut-être mieux imaginée dans le rôle de Marie Vetsera, mais qui fera sans doute du rôle de Stéphanie quelque chose d’intéressant. Enfin, Silvia Saint-Martin, qui est de mieux en mieux distribuée, devrait mettre à profit l’étendue de son expérience aussi bien classique que contemporaine pour s’emparer de ce timide personnage. Les quatre interprétations devraient être très différentes, de la douceur d’Eleonore Guérineau à l’énergie de Marine Ganio, et nul doute que là encore les balletomanes auront plaisir à les voir toutes.

Eleonore Guérineau sera également distribuée dans le rôle de Mitzi, une mondaine qui a son importance dans l’histoire, à l’opposé du personnage de Stéphanie à qui elle se trouvera d’ailleurs confrontée. Un beau challenge pour cette danseuse remarquable, que d’interpréter dans la même série deux rôles aussi opposés. Sûre d’elle, provocante, calculatrice, Mitzi sera l’occasion pour Roxane Stojanov et Bleuenn Battistoni, toutes deux promues cette année (aux rangs de première danseuse et sujet) et très prometteuses, de s’essayer à un registre plus sensuel après avoir dansé le rôle de la princière Gamzatti dans la Bayadère. L’une comme l’autre savent faire preuve d’une froideur altière, mais devront peut-être adoucir quelque peu leurs expressions pour ce rôle.

Image P Rakossy, Opéra National de Hongrie

Deux autres rôles devraient être intéressants pour leurs intérprétations : celui de l’impératrice Elizabeth, qui entretient une relation houleuse avec son fils, et où les balletomanes guetteront Héloïse Bourdon, et celui de Bratfisch, où notamment Paul Marque pourra exprimer toute sa virtuosité, mais où Marc Moreau pourrait également se démarquer.

Mayerling n’est donc peut-être pas le meilleur choix pour attirer de nouveaux publics, ce qui semble pourtant être une des priorités de l’Opéra de Paris en ce moment, ni pour fidéliser des amateurs non spécialistes en général plutôt friands de beaux spectacles harmonieux, peu présents dans la saison 2022-2023. En revanche, il devrait faire le bonheur des balletomanes en leur donnant l’occasion de comparer des interprétations très différentes de rôles complexes, rôles qui seront également très enrichissants pour les danseurs distribués.