Le résumé du mois : breaking news et ballets vus en avril, au Châtelet, au théâtre des Champs-Elysées et à Suresnes

Ratatouille Casse-Noisette

Pour les lecteurs qui n’auraient pas twitter (quelle drôle d’idée !), voici un résumé de ce qui s’y est passé en avril (compte @carnets_d_opera).

Les nouvelles du mois pour commencer :

  • Pierre Lacotte, chorégraphe mondialement connu pour ses reconstructions de ballets oubliés comme La Sylphide, Paquita ou Marco Spada, est décédé. On lui devait également le ballet Le Rouge et le Noir, sa dernière création, monté à l’Opéra de Paris en 2021 (on en parlait ici)
  • L’étoile Myriam Ould-Braham a annoncé la date de ses adieux à la scène de l’Opéra de Paris la saison prochaine : ce sera donc le 18 mai 2024 dans Giselle, au palais Garnier
  • Breaking news, après une dizaine d’années passées au San Francisco Ballet où elle était Principal, la française Mathilde Froustey, adulée du public lorsqu’elle était sujet à l’Opéra de Paris, revient en France. L’Opéra de Bordeaux a ainsi annoncé qu’elle était engagée dans la compagnie comme danseuse étoile, aux côtés du danseur Riku Ota. Tous deux devraient danser dans Don Quichotte dès le 30 juin prochain
  • Après un long suspense concernant les interprètes du Boléro, troisième partie du programme Béjart dansé à Bastille en mai, et le retrait d’Hugo Marchand, blessé, deux interprètes ont été ajoutés aux distributions : Audric Bezard, qui dansera une unique date le 12 mai, et Mathias Heymann, qui dansera les 10 et 13 mai et fera ainsi son retour sur scène après une longue absence pendant laquelle il a beaucoup manqué au public.

Voici maintenant mes retours sur les différents ballets vus en avril à Paris, avec deux ballets néo-classiques renouvelant agréablement le genre au Châtelet et au théâtre des Champs-Élysées, l’immanquable show des Italiens de l’Opéra à Suresnes, le spectacle de l’école de danse de l’Opéra et Il était une fois Casse-Noisette, à nouveau au Châtelet.

Les Ailes du désir de Bruno Bouché par le ballet du Rhin, au théâtre du Châtelet

Les Ailes du Désir de Bruno Bouché – Image Théâtre du Châtelet

Les Ailes du désir, ballet de Bruno Bouché dansé par les danseurs de l’Opéra National du Rhin, a été présenté début avril au théâtre du Châtelet, sur lequel il a fait souffler un vent de renouveau classique. Vent de renouveau car, si le langage chorégraphique utilisé, tout en belles extensions et en longs dégagés et décalés, n’est pas novateur, son utilisation dans une trame narrative en deux actes, tirée du film de Wim Wenders, est plus originale et renouvelle agréablement le paysage néo-classique.

Le premier acte est une succession de tableaux montrant bien par leur coloration la fracture entre le monde des humains et celui des anges, se reposant sur la danse et les dispositifs scéniques pour la narration, à défaut de pantomime dont Bruno Bouché, comme il a pu l’expliquer lors de la rencontre qui a suivi, souhaite débarrasser le ballet. Les atmosphères sont réussies et parviennent à être lisibles (citons par exemple le « metro-boulot-dodo » évoqué par les allers-retours d’un groupe de danseurs aux vêtements colorés). Le fil de l’histoire les reliant entre elles est en revanche plus difficile à saisir, même en en connaissant les grandes lignes.

Le deuxième acte a été comparé par Rosita Boisseau à un acte blanc, et c’est bien l’image qui me semble le mieux le décrire : de belles harmonies emmenées par des couples de danseurs en chemises blanches, des sauts suspendus vers le ciels et de longs portés laissant une impression aérienne.

Au total, un programme vraiment intéressant, auquel il manque pour moi une narration claire (il faut dire que le défi était de taille, malgré la suppression par rapport au film de certains personnages et l’ajout d’un très esthétique ange noir), mais dont on retiendra surtout le superbe deuxième acte, ainsi que le très bon niveau des danseurs du ballet du Rhin.

Toulouse-Lautrec de Kader Belarbi par le ballet du Capitole au Théâtre des Champs-Elysées

Toulouse-Lautrec par le ballet du Capitole, image Théâtre des Champs-Élysées

Après Les ailes du désir, encore une création néo-classique relativement récente et proposant une alternative à l’éternelle dualité entre grands classiques et chorégraphies balanchiniennes : au théâtre des Champs-Élysées cette fois, le ballet du Capitole de Toulouse, autre compagnie tout à fait intéressante, présentait Toulouse-Lautrec. Chorégraphié par son ancien directeur Kader Belarbi, le spectacle, inspiré de la vie du peintre, est dansé sur une musique de Bruno Coulais jouée par un pianiste et un accordéoniste sur l’avant-scène.

Sur scène, une succession de tableaux bien pensés quoique un peu répétitifs qui, malgré des décors plus que minimalistes, parviennent à créer une atmosphère et faire revivre une époque (enfin, surtout ses maisons closes, thème central du ballet), dans une ambiance mi cabaret mi bal musette. En effet, le style emprunte souvent plus au cabaret, voire au cirque ou même au mime, qu’au ballet tel qu’on le connait, avec un assez large usage de la voix, et ce malgré la présence occasionnelle des pointes. Déroutant pour le balletomane qui reste un peu sur sa faim en termes de danse, mais certaines images sont très graphiques et très belles et les danseurs du ballet du Capitole ont de l’énergie à revendre !

Peut-être pas le ballet que l’on retiendra le plus cette année, mais c’est en tous cas très agréable de voir que la création néo-classique est bien vivante en France avec une belle diversité de styles.

Les Italiens de l’Opéra de Paris au théâtre de Suresnes

Bianca Scudamore et Francesco Mura lors d’une représentation des Italiens de l’Opéra

Les Italiens de l’Opéra, groupe créée par Alessio Carbone et réunissant lors de galas certains danseurs italiens (et quelques non italiens) de l’Opéra de Paris, était de retour en France, au théâtre de Suresnes, pour une soirée endiablée.

Ce n’est pas un secret que l’Opéra de Paris regorge d’excellents danseurs, mais le moins qu’on puisse dire c’est qu’Alessio Carbone et Francesco Vantaggio, tous deux anciens de la maison et désormais de retour en Italie, savent tirer le meilleur d’eux et les mettre en valeur (ce qui, osons le dire, n’est pas le cas de tous les galas où se produisent parfois les danseurs parisiens). Ici la qualité est toujours au rendez-vous, et le gala de ce mois d’avril a une fois de plus été l’occasion d’une explosion de bonne humeur !

Le pas de deux du Corsaire ouvrait le bal, avec les fouettés impeccables et l’œil malicieux de Bianca Scudamore, qui n’est pas pour rien la chouchoute du public parisien, et les sauts explosifs de Giorgio Foures, revenu pour l’occasion de Vienne où il danse désormais, et qui a pu également montrer sa forte personnalité dans le solo Les Bourgeois, qui lui allait comme un gant.

Alexandre Boccara s’est ensuite montré hypnotisant dans Arepo, qu’il avait déjà dansé lors du concours de promotion, alliant présence et précision, avant de reprendre avec Andrea Sarri le duo Les Indomptés de Claude Brumachon, toujours très efficace.

Puis Bleuenn Battistoni nous a enchantés de ses bras si gracieux dans le pas de deux du dernier acte de la Belle au bois dormant, aux côtés d’un Nicola di Vico un peu plus en retrait mais qui s’est ensuite montré excellent dans le Carnaval de Venise dansé avec Clara Mousseigne, espiègle et qui semble trouver le moyen d’être toujours parfaitement sur sa jambe, offrant ainsi de beaux équilibres.

Silvia Saint-Martin et Antonio Conforti nous ont offert un moment de grâce avec un extrait de l’acte IV du lac des cygnes très expressif, malgré un tempo trop rapide imposant malheureusement une certaine précipitation, avant une dernière parenthèse classique avec Moonlight, où Bianca Scudamore a fait preuve d’un beau lyrisme.

Mais les deux chorégraphies à mon sens les plus marquantes de cette soirée auront été celles de Simone Valastro, qui démontre une fois de plus un vrai talent de chorégraphe, qu’il s’agisse de donner vie à un duo ou d’animer et d’agencer tout un groupe de danseurs. Il signe déjà Arbakkinn, un duo très touchant, superbement interprété par Silvia Saint-Martin, qui fait preuve sur scène d’une présence impressionnante et d’une grande expressivité dans ce registre, et Antonio Conforti qui lui répond parfaitement. C’est toujours Simone Valastro qui signe enfin, avec Appointed Rounds, une remarquable composition pour cinq danseurs qui se succèdent sur scène, se croisent et s’achoppent, interprétée avec une belle intensité par Silvia Saint-Martin à nouveau, Bleuenn Battistoni, Clara Mousseigne, Giorgio Foures et Alexandre Boccara.

Un beau spectacle, mettant en valeur les talents, au programme équilibré et qui a réussi à garder son âme, sans tomber dans la pure démonstration technique comme c’est parfois le cas des galas de ce type. Il s’est clôturé par l’habituel et entrainant final inspiré d’Études dans lequel les danseurs ont pu faire exploser leur virtuosité (mamma mia les fouettés doubles de Bianca Scudamore et les entrechats six de Giorgio Foures !), sous les vivats d’un public conquis : une soirée comme on aimerait en vivre tous les soirs !

Bonus : deux autres spectacles par ou pour les jeunes !

Il était une fois Casse-Noisette, Image théâtre du Châtelet

Deux autres spectacles vus en avril méritent quelques mots, à défaut d’en avoir fait une critique complète.

Tout d’abord, le traditionnel spectacle de l’École de Danse de l’Opéra de Paris, qui s’est tenu mi avril au palais Garnier, a été une fois de plus l’occasion de constater non seulement le talent mais également la maturité artistique des jeunes élèves. Le programme était composé de Concerto en Ré, agréable démonstration très académique joliment chorégraphiée par Claude Bessy, Ma mère l’Oye, création onirique et assez poétique de Martin Chaix sur la musique de Ravel, puis le fameux et redoutable troisième acte de Raymonda. Dans ces trois registres très différents, les élèves de l’école de danse se sont montré impeccables et beaucoup ont également fait preuve d’une présence et de qualités d’interprétation épatantes. La relève est assurée !

Ensuite, c’est au théâtre du Châtelet que Karl Paquette, ancien danseur étoile de l’Opéra de Paris, a créé Il était une fois Casse-Noisette, le deuxième de sa série de réécriture des grands ballets classiques adaptées pour les enfants. Le résultat est un très agréable spectacle à même d’enchanter toute la famille, avec de beaux décors et costumes (oui j’ai flashé sur les rats qui ressemblent à de grosses peluches) et une bonne dose d’humour. Dans ses nombreuses interviews ayant précédé la première, Karl Paquette insistait sur le souci de qualité du spectacle. Et en effet, si certaines séquences sont simplifiées et la narration tournée vers des codes plus enfantins, les danseurs sont irréprochables et la valse des fleurs, dansée par dix-huit interprètes, n’a rien à envier à celles des « grandes » compagnies. C’est donc une bonne introduction à la danse pour les enfants, qui visiblement accrochent bien au vu des rires dans la salle, et un agréable spectacle pour tout le monde : défi relevé !